« Je pourrais
en citer des dizaines, de ces petits proverbes si finauds, de ces citations
percutantes qui depuis des centaines d’années ont plus de swag que les
punchlines les plus « braaahhhh » des rappeurs les plus cotés. En
veux-tu de mon « la plume est plus forte que l’épée » ? En voilà
de mon « pas de liberté pour les ennemis de la liberté » ! Oh,
ça, elle en aura fait couler de l’encre cette « Liberté » dont on
parle tant. Elle aura aussi fait couler du sang, mais il paraît que ça part
mieux que l’encre au lavage de cerveaux. Que ça c’était avant, et que vu que
c’est écrit sur les frontons de nos institutions, tout est acquis. Eh bien
non, et nous devons nous lever et nous lever encore pour que cette Liberté
continue à exister, tout comme Charlie continuera à exister dans nos âmes. »
Ceci est le genre
de saloperies rhétoriques de bas étage que vous allez liker dans les prochains
jours, en pensant humainement – car vous êtes de bonnes personnes, et là je ne
suis pas ironique – que tout cela est légitime et vrai. Diantre ! J’ai écrit
un gros mot, lapidez-moi. Mais comment décrire autrement ce type de sentences
oiseuses, emplies de mots vides et creux ? Comment qualifier ce type de
mensonges éhontés qui jouent sur notre pathos largement défoncé ces derniers
jours par des balles aux pointes moins creuses que le cerveau de ceux qui les
ont tirées ?
Revenons un peu sur
certains termes, et essayons d’être lucides. Car il faut l’être MAINTENANT,
les déchainements socio-inculturels n’attendront pas le début du week-end.
1 : Le coup de la citation ou du proverbe à la
mords-moi-le-nœud.
Il faut déjà
comprendre que citations ou proverbes n’ont pas pour vocation d’être réellement
universels, mais d’avoir un sens qui correspond la plupart du temps à l’époque
à laquelle ils ont été signifiés. Comprenez que quand Kant écrivait des trucs
aussi cocasses que « la
musique est la langue des émotions », il n’avait pas en tête un concert de
Carlos ou de Justin Bieber. Sachez en outre que même si l’universalité de
principe est évidente pour nombre de proverbes, l’argument qu’il apporte est
souvent démontable en moins de deux par une mise en situation « moderne »
ou, pire, un autre proverbe qui paraît lui aussi totalement sensé. Un exemple
simple pour illustrer mon propos : « tel père, tel fils » /
« à père avare, fils prodigue ». Moralité : ne likez pas
aveuglément une citation seule, hors contexte. Jamais. De toute manière, 90%
des citations sur le Net sont ou tronquées, ou fausses, ou attribuées à la
mauvaise personne. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Général de Gaulle.
En ce qui concerne
ce que j’ai écrit plus haut… sachez être pragmatiques. Même si cela est très
joli et semble porteur d’un espoir salvateur : non, la plume n’est pas
plus forte que l’épée. Dans le principe, oui. Dans l’absolu, oui. Dans le sens
réel et entier de cette phrase, OUI. Mais dans le cas qui nous concerne
actuellement (je resitue : 12 personnes utilisant justement des plumes
assassinées par un commando religieusement extrémiste utilisant justement des
épées - on ne va pas épiloguer, mais là, ça veut dire « armes »), eh
bien non. Ou alors on m’a foutrement menti quand on m’a dit que Cabu était
mort, tué par une balle dont le trou n’était pas celui qu’on pense.
Bref, outre la
gaudriole facile dont j’abuse perfidement, il faut aussi essayer de BIEN
CHOISIR ses mots pour BIEN EXPRIMER ce que l’on veut faire passer. Ça peut paraître
con et basique à mort, mais je vous assure que dès demain la mièvrerie et la
bêtise crasse vont recouvrir les réseaux sociaux de leurs ailes dégueulasses. Alors,
si on pouvait éviter d’en rajouter une couche supplémentaire… ce serait mignon
tout plein.
2 : Le coup du style djeunz’ qui rend tout vachement
plus classe, donc forcément plus intelligent.
C’est le ton que je
prends actuellement, à vrai dire. Coolos, avec des gros mots dedans et des
tournures de phrases qui fleurent parfois le jeu de mots et qui vous rappelle
votre prof d’histoire de troisième. Oserai-je dire « le ton de l’Internet
actuel » ? Oui, vu que de toute manière c’est déjà écrit.
Aujourd’hui, ce ton 2 .0 est utilisé quasiment partout. Pas toujours
maîtrisé, il vient d’une presse que je qualifie de « foutrement géniale »
(parce que je suis un rebelz des bacs à sable) et qui a bercé mon enfance, mais dont l’exploitation outrancière sur tous les
blogs « hypes » et dans toutes les planques de bobos en manque de
reconnaissance ne doit pas vous faire oublier que très souvent le propos qui lui
est associé est creux, voire fallacieux. Bref, c’est comme pour une
culotte : la forme peut être superbe, mais le fond très sale.
Note en
passant : le coup de la poésie qui craint un max, je le case dans cette
partie. On ne va pas faire la fine bouche, hein, on est entre nous.
3 : Le coup de la Liberté dans le statut. Notez que
je vais dire d’autres gros mots, et pas plus tard que tout de suite.
Bordel, c’est le
truc le plus crade !! Regardez, je suis tellement pas-content-houla-regardez-il-est-tout-rouge que j’ai mis DEUX
points d’exclamation à la fin de la phrase précédente, ce qui est incorrect et
qui me fait fondre les yeux.
Je veux le dire
bien fort (donc je vais utiliser des majuscules) : LA LIBERTÉ N’A PAS ÉTÉ
TUÉE EN FRANCE LE 7 JANVIER 2015, BORDEL DE BORDEL !
D’ailleurs, si vous
pouviez laisser la liberté d’expression et la liberté de la presse où elles
sont, ce serait bien aimable de votre part. Vous vous demandez probablement
pourquoi je dis de pareilles choses alors que bla bla bla un journal a été
attaqué bla bla bla des journalistes tués bla bla bla terroristes ayant porté
atteinte à nos libertés fondamentales ? Alors que – cerise sur le Mars glacé –
je suis justement journaliste et que j’ai mis un « je suis Charlie »
en image de profil sur Facebook ? Bah. Il y a une chose importante que je
me dois de vous dire : il n’y a que les ÉTATS TOTALITAIRES qui portent
atteinte à ces libertés. La liberté d’expression, la liberté de la presse, et
la liberté tout court sont toujours en vigueur en France. POINT FINAL. PERSONNE
ne vous a JAMAIS empêché de VOUS exprimer. On a empêché douze personnes de
vivre, mais pas un peuple de respirer, bordel. Les trois fondus qui ont tué la
moitié de la rédaction de Charlie Hebdo n’ont jamais touché « que »
leur vie. C’est horrible, certes. Mais c’est un fait : tous, nous pouvons
AUJOURD’HUI sortir dans les rues en épinglant des caricatures de Mahomet ou de
ma cousine Berthe à poil (et elle a la cuisse légère). Le PRINCIPE FONDAMENTAL de liberté n’a pas bougé d’un
iota. Seules douze voix se sont tues (cette phrase est tellement pompeuse que
j’ai honte d’écrire pareilles platitudes, vous me faites vraiment faire
n’importe quoi), et pas autre chose. Alors oui, on les aimait (et bordel –
again - je vous assure que je les
aimais), mais par pitié ne faites pas de faux procès. C’est en 2007 que cette
fameuse liberté d’expression qui est actuellement citée à comparaitre a failli
être tuée, massacrée, piétinée par la loi française. En effet, si Charlie Hebdo
avait été condamné lors du procès en rapport avec les caricatures de Mahomet,
alors oui les Libertés d’expression et de la presse auraient été traînées dans
la fange. Là, la LOI (et par extension l’État) aurait cautionné les attaques
antidémocratiques fondamentales émanant de certains esprits chagrins. Je ne
minimise absolument pas le sentiment de tristesse, les blessures ou la colère
qu’ont pu ressentir certains musulmans en voyant ces caricatures. Je n’en ai
pas besoin, puisque dans le principe je comprends que cela puisse heurter une
certaine sensibilité que je me garderai bien de juger. Mais – car il y a un
« mais » de cent milliards de pieds de nez de haut – il se trouve que
ces caricatures ont été dessinées en France. C’est tout. La démonstration est
terminée, sans sophisme, sans autre forme de procès.
La France est en
effet un de ces TRÈS RARES pays dans lesquels on peut rire de tout, même si
cela est choquant, triste, violent ou perçu comme insultant par certains. Alors
oui, il y a quelques règles à respecter. La plus importante est : la
satire est considérée comme telle (et donc inattaquable) si elle pose une
question qui relève de l’intérêt général. Il n’y a pas à douter une seule
seconde que cela a été le cas avec ces caricatures, puisqu’a posteriori on peut
se demander comment un SIMPLE DESSIN, aussi choquant puisse-t-il paraître peut
expliquer le fait de brûler des drapeaux, de menacer de mort, d’intenter des
procès d’intention (amusante, cette phrase), d’incendier des locaux ? Si
cela n’est pas « une question qui relève de l’intérêt général », je
veux bien m’en couper une et la manger plus tard. Une tranche de gruyère,
s’entend. Notez que j’aurais pu gratuitement écrire « une tranche de
saucisson », mais je n’ai ni les couilles de Charb’, ni le talent de Cabu.
Et aucun policier devant ma porte.
Je vous demande
donc de ne pas gloser outre mesure sur les libertés. Elles sont toujours là, et
à moins que notre pays sombre demain dans le totalitarisme le plus forcené
elles resteront intactes un bon bout de temps. Des terroristes ont essayé de
leur porter atteinte, mais c’est la conception que nous en avons qui a été
touchée, pas elles. Bordel (ça, c’est pour la ponctuation) !
4 : Le coup de la guerre. Parce que bon, hein,
fallait bien que ça arrive.
Ah, ça, on l’aura
entendu ce terme à la con. Pire que tout : il a été utilisé par nombre de
politiques, de musulmans très en vue (comprenez des représentants du Culte) et
d’autres personnes de très bonne foi, ce qui m’a effaré. Non messieurs-dames,
nous ne sommes pas en guerre. Ou alors on m’a menti pendant pas mal de temps à
l’école, ce qui n’est pas le cas. On a affaire aujourd’hui à du TERRORISME, pas
à une GUERRE. Aucun état n’est en cause. Les moyens utilisés sont les attentats
et les assassinats politiques (ce qui s’est passé à Charlie Hebdo est un
assassinat politique, j’y reviendrai plus loin). On tue ici des civils, et on
attaque des idées. Au pire on peut parler de « guerre asymétrique »,
terme technique qui désigne des actes proches de ceux que nous vivons
actuellement. L’utilisation du terme « guerre » dans les médias revient
donc à exacerber un climat de peur et donner dans le sensationnalisme pour
faire passer des idées souvent radicales. C’est un procédé de rhétorique
politique très courant : on affole les masses afin de minimiser certaines
actions qui paraitraient habituellement inacceptables.
Attention, je ne
minimise moi-même rien. Je comprends qu’il faut renforcer la sécurité dans les
terres de notre pays (et un peu partout dans le monde, en passant), je
comprends qu’il faut que tout le monde prenne conscience du danger réel que
représentent les groupes religieux extrémistes (quels qu’ils soient). Et je ne
joue pas non plus sur les mots, loin de là. Je veux juste que l’on emploie les
bons termes, afin que les Français ne soient pas pris pour des dindes de Noël.
Si le terme « guerre » continue à être utilisé à tort et à travers –
avec la résonance puissante qu’on peut encore lui connaître – la psychose va
s’installer et les familles ne sortiront plus de chez elles. C’est
malheureusement comme ça que le terrorisme peut vaincre : en terrorisant.
Ne donnons pas de grain à moudre à ceux qui ont la meule incrustée de barbelés.
Bordel, que cette image est mauvaise. Mais il est tard, alors je la garde.
5 : Le coup de l’amalgame. Les blagues sur les
dentistes ont déjà été faites, merci.
Celui-ci, il me
gonfle au-delà de l’imaginable. Il faut tout d’abord dire – même si ça va vous
énerver – que les phrases du genre « Attention, il ne faut pas faire
d’amalgame ! » sont grammaticalement fausses. Oui, vous vous en
foutez. Non, je ne m’en fous pas. On doit dire : « Ne faites pas
l’amalgame entre la religion musulmane et l’extrémisme islamique ». En
clair : l’expression c’est « faire l’amalgame entre », suivi des
choses ou personnes que l’on ne doit pas mélanger. De plus, il faut savoir que
l’expression sous-entend une VOLONTÉ DE NUIRE. Ainsi on ne va pas demander aux
gens de ne pas faire l’amalgame entre telle ou telle chose si ceux-ci ne sont
pas animés de mauvaises intentions. Bon, ça c’est sur le papier et l’expression
est de nos jours bien plus flexible. Pourtant, elle m’énerve tout de même.
Pourquoi ? Eh bien parce qu’il faudrait être sacrément crétin pour
mélanger deux choses qui ne sont pas identiques. Quel neuneu peut franchement
mélanger innocemment les musulmans et les terroristes ? Qui a sérieusement
un jour imaginé que Anders Behring Breivik était un bon chrétien ? Qui
peut décemment ajouter que Baruch Kappel Goldstein est représentatif des
juifs ? Personne. J’affirme donc que dans les prochains jours, ceux qui
mettront la religion musulmane et le fanatisme religieux sur un pied d’égalité
auront FORCÉMENT des intentions néfastes. Il est donc primordial de ne pas
entrer dans leur jeu. Don’t feed the fool, dudes. Non, le bilinguisme
fondamentalisme ne me fait pas très peur.
Note de fin de soirée : on écrit "la satire", aussi, pas "la satyre". Alors faites un effort. Le "satyre", c'est le mec à poil avec des sabots qui se tape des nymphes. Et je ne rigole pas, c'est très sérieux les nymphes dans la mythologie grecque.
Note de fin de soirée : on écrit "la satire", aussi, pas "la satyre". Alors faites un effort. Le "satyre", c'est le mec à poil avec des sabots qui se tape des nymphes. Et je ne rigole pas, c'est très sérieux les nymphes dans la mythologie grecque.
6 : Le coup de la haine et des pleurs.
Ce point est
complexe. Très complexe. J’avoue que pour tous les autres, une bonne analyse de
la rhétorique, des faits et un recul suffisant permettent de ne pas sombrer
dans l’erreur facile. Mais là, on touche à l’affect, et il est difficile de
passer outre. Après mes quelques années d’études de philosophie et certains
voyages dans des pays qui craignaient pas mal, je croyais m’être forgé une
carapace nommée « humanisme » qui pouvait résister à toute la
barbarie humainement concevable en voyant dans la haine pure une lumière ténue
mais présente, immuable, évidente. Bref, je pense – et c’est la base de
quasiment 99% de mes réflexions sur l’être humain – qu’on peut sauver n’importe
qui des autres ou de lui-même. Bien entendu, cette conception quasi
voltairienne de l’Humanité a été mise à mal par de nombreux événements
tragiques dans l’Histoire du monde (guerres, attentats, etc.). Malgré tout, à
chaque fois je parviens à ne pas me laisser happer par la haine et le désespoir
quant à cette Humanité qui a tant fait gamberger les penseurs de l’Antiquité.
Le 11 septembre 2001 a bien entendu été particulièrement rude pour moi (sans
oublier 1995 et ses boulons gazéifiés qui m’ont valu de nombreuses nuits sans
sommeil), et assurément pour vous tous. Mais à chaque fois, je me fais violence
(ho, ho, ho) et je rationalise. Sauf que pendant un ou deux jours, eh bien on
hait. On hait les cons, on hait les Hommes, on hait les politiques, on hait les
idées, on hait les absences d’idées, on hait la haine. Et puis le cerveau
reprend son activité.
Oui, la haine ne
peut pas s’attacher à un cerveau qui fonctionne. Je le dis et je le pense. Je
ne vous demande pas d’être d’accord, je ne vous demande pas de me croire sur
parole. Je vous demande par contre de ne pas déverser votre haine si naturelle
ailleurs que dans votre cerveau. Au pire, hurlez. Mais ne haïssez pas les
autres sur les réseaux sociaux. Ne haïssez pas non plus trop longtemps les
responsables du massacre du 7 janvier. Kant avait cette idée saugrenue – je
vulgarise à mort, ne me jetez pas de pierres – que les sentiments foutaient le
bordel dans le processus de réflexion et la perception de la morale. Je ne vous
demande pas de lui faire confiance, j’ai moi-même encore pas mal de contentieux
avec lui. Mais pensez-y un peu, de temps à autre. Pas tout de suite. Prenez
votre temps. Mais par pitié, n’écrivez pas votre haine tant que vous n’aurez
pas le cœur en paix. Non, oubliez la dernière phrase, on dirait que j’ai viré
cureton. Mais le principe est là. Je vous redonne une une culte de Charlie
Hebdo : « l’amour plus fort que la haine ». Avec la bave qui va
avec.
Pour les pleurs, je
ne peux rien pour vous. J’estime que les pleurs, c’est personnel. J’ai pleuré
dans mes chiottes, hier. Mais je ne suis pas un exemple. Et puis les pleurs,
c’est salvateur, parfois. Encore faut-il savoir pourquoi on chiale comme le
gosse qu’on est encore. Effacez aussi cette dernière phrase de vos mémoires, on
dirait que j’ai viré Barbara Cartland.
7 : Le coup des gosses.
Ah, ah, ah !
Je suis trop fort sur ce point, vu que je n’en ai pas. Mmm… Bref.
Sans vouloir entrer
dans les détails, je vois ici et là que de nombreux parents s’inquiètent de
« comment expliquer ce qui s’est passé à leurs enfants ». Eh bien
souvenez-vous du temps où votre papa ou votre maman (ou n’importe qui d’autre
si vous êtes orphelin… ce qui peut arriver si vous êtes enfant de journaliste,
mais plus rarement que si vous êtes enfant d’immigré clandestin) vous a
expliqué ce que l’IRA n’était pas une chanteuse italienne, que le Rainbow
Warrior n’était pas une boîte de nuit, que l’OAS n’était pas une boisson
chantée par Carlos (pas même le terroriste) ou que Matmatah ne parlait pas du
Téléthon dans « Troglodyte ». À l’époque, mon père n’a pas eu besoin
des « conseils » de personnes qui ne me connaissaient pas (ou de la
brochure qui vient d’être créée pour les profs et les parents) pour m’expliquer
quand j’avais six ans que les Khmers Rouges tuaient des enfants pour des
idéologies foireuses. Et même si mon père est plus proche du Dieu que l’idée
que s’en font nombre de croyants (de leur Dieu, pas de mon père), je pense que
le vôtre a probablement su trouver les mots qui vous allaient (votre père, pas
votre Dieu).
Vos gosses, ce sont
VOS gosses. Je ne sais pas les élever. Facebook ne sait pas les élever. Twitter
ne sait pas les él (140 caractères). Vous, oui.
8 : Le coup de la blague, de la leçon de vie et du
nouvel amour pour Charlie Hebdo.
Ce coup-ci a déjà
été tiré. Alors je ne veux pas dire par là qu’il faut faire la gueule,
hein ! Pas du tout. J’étais même étonné de voir à quel point je pouvais
faire des vannes immondes lors de la marche de mercredi soir (« soldes à
Charlie Hebdo, tout doit disparaître », « les intégristes ont tiré
les rois à la kalachnikov »…), alors même que j’avais envie de vomir depuis
midi. Bien entendu, le rire – et spécifiquement le rire irrévérencieux – est le
meilleur remède au mal terroriste, du moins pour les plaies non physiques. Ce
que je redoute dans les prochains jours, c’est la surabondance de vannes
« faites exprès », parce qu’il FAUT en faire. Le truc non spontané,
pas drôle, typique du collégien qui veut épater sa classe. Bref, le mauvais
goût et surtout le mauvais mot.
Pire : il y
aura de nombreux faux derches qui se réclameront de Charlie alors que les unes
de ce canard les auraient fait pâlir de honte il y a trois jours. Bref, je
redoute l’opportunisme bien-pensant, paradoxe assez monstrueux quand on situe
l’action de Charlie Hebdo dans le réel. Je sens que la facepalm va devenir un
sport national d’ici peu.
Bien entendu, je
suppose également que de nombreux jeunes vont également découvrir Charlie et
peut-être l’aimer. C’est bien. Le principal, c’est d’être honnête, et de savoir
pourquoi on est en colère. Personnellement, de nombreuses prises de positions
chez Charlie Hebdo m’ont parues étonnantes. Je n’ai pas adhéré à tout. Mais je
n’ai jamais remis en cause leur intégrité et leur honnêteté (le fait que je
sois rédacteur en chef de magazines aide bien entendu à respecter leur ligne
éditoriale, quelle qu’elle fut). Il ne sert à rien de suivre le mouvement tête
baissée. On a le droit de ne pas être d’accord avec TOUT. On n’a juste pas le
droit – dans l’absolu – de refuser que cela soit imprimé.
Notez que si le
carnage avait eu lieu dans les locaux de Minute, j’aurais eu un discours
similaire, mais bien plus mesuré. J’admets donc sans problème que l’affect et
les sensibilités fondamentales jouent aussi. Point compliqué, je vous
l’accorde.
9 : Le coup de l’extrême droite, de la Marine
nationale et du Pen en l’air. Et la surenchère. Surtout la surenchère, en fait.
Pour faire
court : l’extrême droite va utiliser ces événements à son compte. Marine
le Pen a déjà commencé en se plaignant de ne pas être invitée à la marche de
samedi prochain, en invoquant l’Union Nationale. Je tiens simplement à signaler
que Charlie Hebdo était farouchement opposé aux idées du Front National. Je
tiens aussi à signaler que d’autres personnes que des rédacteurs de Charlie
Hebdo sont mortes, et que cette marche n’a pas de but – avoué – politique. En
clair : qu’elle vienne si elle veut, celui qui la poussera n’aura pas
réellement compris le principe « d’Union Nationale ». Oui, je ne
l’aime pas. Non, je ne veux pas lui donner le plaisir de pouvoir s’en plaindre.
Et surtout :
non, les réseaux sociaux ne sont pas des foires d’empoigne sur lesquels on
vient étaler des discours politiques extrêmes, quand justement c’est un autre
extrême qui vient d’étaler le sang humaniste sur les murs d’une rédaction.
On en reparlera en
2017. Là, on gueulera comme des cons et Godwin fera la girouette. C’est dans
deux ans seulement, patience tout le monde.
10 : Le coup du complot. N’importe lequel, hein, je
ne suis pas raciste.
« Mec, c’est
un coup monté par l’extrême droite, ils ne pouvaient pas laisser une carte
d’identité dans une voiture ».
Mec, il y a une
Police en France. Et je te demande de lui faire confiance sur ce coup-là. Et –
je suis navré mais je vais être un peu grossier – de la fermer tant que cette
affaire n’est pas close. Parce que tu vois, je suis toujours plus enclin à
croire le mec qui va se prendre une bastos à ma place pour que je puisse poser
mon cul sur ma chaise et taper ce texte que celui qui va chercher le complot
AVANT d’avoir des éléments ne venant pas d’un flux RSS d’une chaine info
sous-informée. On attend les faits, les indices, les résultats d’analyses et
ensuite on jouera aux Experts. Bisous.
11 : Le coup de la récupération. Ça va du gimmick à
la politique. En passant par le pognon, une autre religion qu’on oublie un peu
vite.
Balkany qui ferme
son compte Twitter à cause d’une galette des rois et d’une journée de deuil,
des marches organisées par des partis politiques, des coups de gueule
« parce qu’on ne m’a pas invitée à la boum » (cf plus haut)… Il y a
déjà des mugs « je suis Charlie » en vente sur le net (de
« haute qualité », heureusement).
Personnellement, je
n’irai à aucune marche et je
n’achèterai pas de T-shirt. J’ai participé à la seule qui avait un sens pour
moi : celle de mercredi soir. Spontanée, et pleine de personnes hébétées
et là « parce que… je ne sais pas, je crois que je devais être là ».
Cette marche avait un sens parce qu’elle n’avait pas de leader. Je ne veux pas
être récupéré. Faites ce que vous voulez, je ne juge personne et je comprends
ceux qui veulent marcher alors qu’ils n’ont pas pu le faire mercredi (travail,
ils ne savaient pas ce qui s’était passé, etc.). Je veux juste dire ici que la
récupération d’un événement comme celui-ci est un crime. Ne cautionnez pas ça
sur les réseaux.
Il n’y a pas de jeu
politique (oui, je suis un Bisounours. Celui avec l’arc-en-ciel) dans cette
affaire. Bien entendu, tous les partis vont tirer la fève dans leur côté de
galette. À vous de ne pas les laisser croquer dedans.
12 : Le coup du « c’est bien fait, quand
même ».
Non, ce n’est pas
« bien fait, parce qu’ils ont commencé en caricaturant Mahomet, il fallait
s’attendre à ça ». Non, on ne tue pas pour un dessin. Pas en France. Je
n’écrirai pas un mot de plus. C’est simple : NON.
13 : Le coup de l’unité nationale et internationale.
Ah, non, ça c’est
bon. Si vous avez évité les pièges des douze coups précédents, il y a fort à
parier qu’il y a bien longtemps que vous êtes dans le coup. Je crois que j’ai
mis tellement de temps à la caser, celle-là, qu’il vaut mieux que je la ferme
et que j’arrête de vous casser votre coup. Le vôtre, celui qui ne sera pas sali
par tout ce que je viens d’écrire. Parce que bordel de bordel, le plus
important c’est CE poncif-là : « pensez par vous-même ». Il est
naze, vieux et très cliché, mais c’est le seul qui compte vraiment.
Mais si vous
pouviez éviter de pourrir Facebook et autres avec des conneries, je vous en saurai gré,
chers damoiseaux et chères damoiselles. Parce que le véritable 13ème
coup de feu, c’est le coup de la peur. Et malgré la boule que j’ai au ventre,
malgré la boule que vous avez au ventre, le plus important c’est que ce coup ne
soit jamais tiré.
----------------------
Post-scriptum :
Cet article peut paraître un peu "cru" et virulent pour qui connaît mes habitudes de rédaction. À vrai dire, cet article est volontairement un exemple de ces 12 coups qu'il ne faut pas tirer. Son ton est "2.0", sa rhétorique est volontairement puissante... mais surtout outrancièrement convaincante. Certains d'entre vous ne sont peut-être pas d'accord avec tous les points, mais vont liker ce post tout de même. Bien entendu, les arguments qui y résident sont sincères et honnêtes.... mais son style et sa rhétorique sont une image de ce qui va arriver rapidement sur les réseaux sociaux : de la quasi-propagande. N'oubliez jamais que lorque vous likez un statut, vous likez la globalité du propos. Quand vous adhérerez à un groupe Facebook, vous soutenez de facto son message - si message il y a. Bref, cet article fait doube emploi : j'y expose mon avis, mais également ce que j'attaque. J'espère que cette conclusion vous aura expliqué les nombreux "bordel" et autres joyeusetés qui émaillent cet article.
Merci d'être allé jusqu'au bout, d'ailleurs. C'était un peu long pour des vœux de nouvel an.
Gérald "Charlie" MERCEY
Journaliste
Et dire qu'en une seule image ils en disaient plus que moi en 4500 mots... |
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